dimanche 22 mars 2020

Pause ?

Jeudi 19 mars.
8h00. Réveil, petit déjeuner.
9h30. Nous allumons l’ordinateur. Nous ouvrons les journaux turcs pour nous informer de la teneur du discours d’Erdogan. La traduction bien que parfois fantaisiste sur la forme est claire sur le fond. Il y a bien évidemment des mesures prises (qui sont plutôt des recommandations) mais son intervention ressemble davantage à un discours d’économie générale, invoquant la grandeur de la Turquie et méprisant avec arrogance l’Europe. Erdogan parle de la Turquie de 2050 ! Erdogan préfère se projeter 30 ans devant lui plutôt que d’imaginer la situation sanitaire dans quinze jours. Ça fait flipper. Ce type qui se croit plus malin que les autres n’a sans doute qu’une idée en tête : devenir l’Atatürk du 21ème siècle. Comment admettre que cette saloperie de virus viendra déjouer ses plans, mettre à mal la croissance turque, le développement du pays et remettre en cause la gloire qu’il en tirera ?
Qu’adviendra-t-il pour nous quand le virus commencera à gangrener le pays, quand des mesures inévitables et bien plus drastiques seront prises, quand notre droit de séjour sur le territoire arrivera à échéance sans aucune possibilité de nous en échapper ? Nous ne voulons plus que notre sort soit entre les mains d’Erdogan.
Peut-être nous trompons-nous, peut-être sommes-nous trop prudents mais en ces circonstances on se dit qu’il vaut mieux trop que pas assez.
10h00. Site de l’ambassade : encore quelques avions pour l’Europe. Les derniers devaient partir le 18 mars, il y en a encore jusqu’au 20. Un fichier Excel les recense : Bordeaux, Nantes, Lyon, Paris, tous au départ d’Istanbul. Comment y être à temps ? Nous suons à grosses goûtes, ça mouline, pas question de glander une seconde… Bus : pas possible, délais insuffisants. Vols internes : nous nous apercevons qu’il y a un petit aéroport à 50 km d’où nous sommes. C’est notre unique chance.
Site de la Turkish Airlines : Gazipasa - Istanbul. Il y a des vols avec des horaires qui conviennent mais les temps de correspondance sont trop courts pour effectuer le transfert à l’aéroport. Les boules.
On essaye autre chose : Munich, Bruxelles, Genève… Ça colle pour Genève.
On fonce. On ne peut pas enregistrer les vélos, mais tant pis, on verra sur place. On procède au paiement : refusé, plafond dépassé. Il faut dire qu’étant données les circonstances la Turkish Airlines en profite : nous payons d’un coup l’équivalent de ce que nous aurions dépensé en Turquie pendant plus de trois mois…
Sueurs froides, à nouveau. Ça ne sent pas bon. Heureusement l’avantage des banques en ligne, c’est qu’on peut quasiment tout faire en ligne. Nous arrivons non sans mal et sans stress à augmenter le plafond de paiement.
On recommence tout… Dans l’intervalle le prix des billets prend 300 €. Paiement… Accepté !
11h30. Nous annonçons aux enfants que nous rentrons. Tout le monde pleure.
Putain, on n’a pas envie de rentrer, pas maintenant.
Nous mangeons, sans appétit.
12h00. Branle-bas de combat. Il faut ranger, réagencer, réorganiser les sacoches, penser aux derniers détails, ne rien oublier.
Je cours au supermarché acheter du film plastique pour pouvoir emballer les vélos à l’aéroport. En si peu de temps il est impossible de se procurer des cartons adéquats. Dans la rue il y a un peu moins de monde que d’habitude. Les bars, les restaurants devraient être fermés, mais ils ne le sont pas tous. Le long de la plage quelques policiers jouent sur leur smartphone, assis sur des bancs.
16h00. Nous sommes prêts mais nous sommes tristes. A l’heure où nous nous arrêtons habituellement, nous partons.
C’est l’occasion de pédaler avec un soleil bas sur l’horizon. Nous l’avons dans le dos, les couleurs sont magnifiques. Nos ombres s’étirent devant nous : nous nous regardons rentrer, la larme à l’œil.
19h00. Nous arrivons à l’aéroport où nous avions pensé pouvoir dormir. Des hommes en armes nous accueillent. C’est fermé. Réouverture à 7h du matin. On nous interdit de dormir sur le parking à l’entrée du site.
Nous nous éloignons de quelques centaines de mètres jusqu’à apercevoir une mosquée. Nous demandons à l’Imam où nous pourrions passer la nuit. Invoquant le « corona problem », il dit ne pas pouvoir nous accueillir, mais il nous invite à suivre un monsieur qui nous conduit dans son exploitation agricole. Nous nous installons sous une petite avancée, adossée à un cabanon.
C’est normalement notre dernière nuit en Turquie, à la belle étoile. Pas facile de trouver le sommeil. Nous ne sommes pas encore partis. Retard, annulation… On se dit que tout peut arriver.

Vendredi 20 mars.
6h00. Réveil, petit déjeuner.
7h00. Nous prenons un grand coup notre respiration. La journée va être longue, possiblement pleine d’embûches et de déconvenues. On croise les doigts : c’est parti.
Nous arrivons dans un aéroport désert. C’est normal car le vol est à 12h50, mais nous avons à démonter les vélos, à les emballer et surtout à les faire embarquer, ce qui n’est pas encore gagné. Si nous devons négocier autant le faire avant que ce ne soit la cohue.
8h00. Tout notre équipement passe aux rayons. Nous nous délestons de nos trois cartouches de gaz. Nous nous installons dans la salle d’enregistrement des bagages que nous transformons en atelier de mécanique et d’emballage.
10h00. 400 m de film plastique, soit 100 m par vélo. On vient nous dire que ce n’est pas suffisant car certaines parties ne sont pas recouvertes. Mais cela signifie implicitement qu’on prendra bien nos vélos. C’est un soulagement.
Dans un duty-free un gars finit de nous filmer correctement nos quatre montures. Nous lui achetons quelques souvenirs pour les enfants. Pour une fois, pas de restriction de taille ni de poids !
11h30. Les bagages sont enregistrés. Nous nous acquittons d’un supplément pour les vélos que nous voyons s’éloigner sur le tapis roulant. Dans quel état les retrouvera-t-on ?

Les enfants reprennent du poil de la bête. Ils sont excités de prendre l’avion pour la première fois. Pour nous la dernière fois, c’était il y a 16 ans. Souvenirs… Nous étions partis pédaler en amoureux un mois au Canada.

12h50. Décollage. Vue sur la méditerranée. Vue sur les montagnes enneigées.
14h20. Vue sur la mer noire, vue sur le Bosphore : ça y est, nous avons traversé la Turquie, du sud au nord. Une heure trente pour faire ce qui nous aurait pris un mois.
Du ciel, Istanbul est impressionnante, immense. L’aéroport ne l’est pas moins. Nous marchons au bas mot trois kilomètres pour changer d’avion !
15h50. Décollage, bis. Contrairement au premier avion, celui-ci est plein. Plein d’Européens revenant d’Asie.
Nous prenons le temps d’écrire notre attestation de déplacement dérogatoire. Nous prenons le temps d’admirer notre belle planète, martyrisée par l’homme. Elle ne se laissera pas faire.
17h10, heure locale. Les Alpes, le Jura, Genève. Huit mois que nous n’avions pas connu tant de familiarité. C’est bon aussi de retrouver quelques repères… et surtout un réel soulagement d’avoir réussi notre rapatriement, in-extremis. Reste à récupérer les bagages et les vélos.
17h30. Tout est là. Les vélos ont un peu morflé : phare cassé, fourche écrasée, quelques chocs. Rien de trop grave. Il faut remonter tout ça et tenter de gonfler à 4 bars huit pneus avec une pompe de 20 centimètres ! On s’enfile quelques fayots froids pour avoir quelque chose dans le ventre avant de reprendre la route.
21h00. C’est parti pour un Genève by night. C’est magnifique, mais nous en profitons trop peu. La fatigue est là. Pour nous il est 23h et les heures de sommeil manquent.
22h30. De l’autre côté du lac, à 5 ou 6 km du centre-ville, nous trouvons dans un club de nautisme un espace entre deux bateaux. Nous nous y installons. Les enfants s’endorment comme des masses.


Samedi 21 mars.
6h30. Premier réveil de printemps, premiers rayons de soleil pour les cimes jurassiennes, fouetté d’un pêcheur lançant son leurre au loin, regard sur les enfants encore endormis : simples petits bonheurs matinaux.
9h00. Il est tant de regagner notre lieu de confinement. Une soixantaine de kilomètres sur les petites routes suisses et savoyardes et nous y serons.
15h30. Après avoir fait quelques courses à Thonon, nous voilà arrivés à Maxilly, près d’Evian. Notre maison étant louée jusqu’en juillet, nous avons trouvé refuge dans la maison de vacances de notre ami Patrick. Nous y serons bien.

Ne pas rentrer à la maison, c’est aussi l’idée de se dire que le voyage n’est pas fini.
Si nous savons être disciplinés, patients et raisonnables peut-être aurons nous tous la chance de retrouver la liberté à la fin du mois d’avril. Peut-être…
Si c’est le cas, il nous restera plus de deux mois pour aller pédaler sur les magnifiques petites routes françaises. De quoi se faire plaisir et ne pas finir par un goût d’inachevé !



Une petite vidéo sur ces trois journées dans quelques jours…

mercredi 18 mars 2020

4 minutes de Turquie pour soutenir les confinés et les soignants

Samedi 14, dimanche 15 mars.
Deux étapes pas très intéressantes nous conduisent à Alanya, une ville balnéaire où nous avons réservé un logement. Le climat est doux, on y cultive des bananes.

Depuis lundi 16.
Nous nous tenons informés de la situation en France concernant le coronavirus. En Turquie les premiers cas officiellement reconnus sont assez récents, le premier mort vient d’être annoncé. Toutes les frontières sont fermées, les derniers vols pour l’Europe ont lieu aujourd’hui au départ d’Istanbul, à 1 000 km d’ici. Nous restons donc à Alanya quelques jours, le temps de connaître les décisions prises par les autorités du pays et de réfléchir à la suite du voyage dans ces conditions. D’où nous sommes, aller au nord c’est affronter la vague de froid, la neige et des températures de -10°C la nuit, continuer à l’est c’est se rapprocher de la Syrie sur une route côtière pas très agréable et aller à l’ouest c’est faire demi-tour. Nous avons trouvé un petit appartement sympa en rez de chaussée avec un jardin, la plage à 100 m et un supermarché à peine plus loin. Si un confinement est annoncé, autant que ce soit là…

Des pensées pour tous, bon courage.

 

vendredi 13 mars 2020

Entre mer et montagne

Vendredi 6 mars.
Nous reprenons notre route vers l’est. Sur 10 km, nous nous élevons de 600 m. Anatole tient une forme olympique et nous n’arrivons pas à le suivre. En haut, allongés à même la chaussée, une dizaine de chiens errants nous font une haie d’honneur. Nous en voyons beaucoup, en ville comme à la campagne. Ils sont bagués, ils sont nourris et disposent d’une sorte de grande cabane collective : de vrais pachas.
Après le pique-nique nous nous enfilons sur une piste qui doit nous mener au sommet d’une montagne. Nous avons eu le tuyau par Christophe et Pascale qui sont arrivés une semaine avant nous en Turquie. Fans d’histoire et de vieilles pierres, ils nous ont envoyé un message nous conseillant l’endroit. Loin de tout, c’est le genre de site qui se mérite et on n’y arrive pas par hasard. L’accès n’est fléché nulle part, le chemin est hyper exigeant. On ne peut y arriver qu’à pied, à vélo ou en 4x4. Le lieu n’a jamais été valorisé touristiquement. Un signe qui ne trompe pas, il n’y a pas de déchets… Il a sans doute été pillé, mais il n’a jamais été fouillé, laissant une ville presque intacte, envahie par la végétation, investie par les chèvres. Le théâtre, les vastes murs, les tombes, quelques semblants de gargouilles, les bas-reliefs, sont impressionnants. Au 4ème siècle, Kyaneai était l'une des villes les plus importantes de la région lycienne. Le site est fascinant, il est d’une quiétude absolue. Si nous avions eu assez d’eau, nous y serions restés une journée de plus.



Samedi 7.
Sur le bord de la route, un type nous hèle : Arif nous invite à boire le thé, il nous offre quelques tomates. Nous passons un bon moment avec lui, dans son petit camping. A Demre ensuite, nous faisons une razzia de fruits, de légumes frais, et de pain… Bons et pas chers. De là, jusqu’à Finike, nous suivons la route côtière. En balcon et dominant la mer, elle est magnifique mais il est impossible d’y planter la tente tant le décor est minéral et escarpé. En ville, à la vue d’une grande étendue verte à quelques mètres de la plage, nous demandons si nous pouvons nous poser là. Le patron du bar nous dit oui. Si l’endroit s’avère sympa de prime abord, la route, l’intersection, les feux tricolores et les véhicules qui s’arrêtent et redémarrent sans cesse auront raison de notre empressement à vouloir planter la tente. Erreur de débutant, nuit pourrie. (De la mer, on n’entendit même pas les vagues)


Dimanche 8.
La gueule enfarinée, nous repartons. Pour gagner Antalya nous choisissons l’option montagne et petite route. La pente est forte. Nous nous rapprochons des sommets enneigés. Les quelques personnes que nous croisons nous encouragent. Certains s’arrêtent, reculent ou font demi-tour. On nous demande si tout va bien, si nous avons besoin de quelque chose, on nous offre des oranges. Après une dernière série de bosses nous nous arrêtons dans une forêt. Nos mollets et nos cuisses ne refusent pas quelques étirements.



Lundi 9.
Une dame propose à Lison et Anatole de porter et caresser les cabris qu’elle emmène téter. Quelques chiens font un bout de route avec nous. Rien de tel que des animaux pour faire oublier aux enfants qu’ils pédalent.
Nous avons ainsi l’impression d’avancer vite et à 1 300 m d’altitude, il faut entamer la descente. Nous enfilons les doudounes.
Nous les quittons lorsque la baie d’Antalya apparaît dans le pli d’une ultime colline à dévaler. Chaleur, bruit, agitation, modernité : nous changeons de monde. Antalya compte deux millions et demi d’habitants.




Mardi 10.
Nous partons visiter la ville. Malgré sa taille, nous la trouvons très agréable. Nous mangeons dans un petit restaurant où se côtoient retraités, ouvriers, étudiants et policiers en tenue. Pas un seul touriste en vue. Pour quatre, nous payons 6 € le repas complet.

Mercredi 11, jeudi 12.
A la sortie d’Antalya, nous sommes impressionnés par un cours d’eau qui se jette dans la mer depuis la falaise. La cascade est spectaculaire.
Après cela, c’est un peu la désolation. « Lara Beach » est une plage immense le long de laquelle ont été construits des dizaines de complexes touristiques tous plus déments les uns que les autres. Nous n'avons même pas eu la présence d'esprit de prendre des photos, tellement nous hallucinions.
Une forêt de pins nous offre heureusement un répit de verdure, unique possibilité de nous installer pour la nuit.



Vendredi 13.
Nous faisons une pause à Sidé, avant de nous attaquer aux montagnes que nous devrons gravir pour accéder aux hauts plateaux qui nous rapprocheront de la Cappadoce.
Malheureusement la météo change. Une vague de froid est attendue les deux prochaines semaines. Les températures seront fortement négatives, et la neige refera son apparition. Cela signifie la possibilité de cols infranchissables.
Nous nous désolons de devoir rester sur la côte et d’attendre un temps plus clément, même si les prévisions peuvent encore évoluer. Depuis notre départ des îles, nous avions repris un rythme, nous avions plaisir à avancer, à poursuivre notre itinérance. Ce coup d’arrêt est un petit coup au moral.
Mais ne nous plaignons pas, des coups d’arrêts il y en a de plus graves, de plus embêtants et contraignants...




jeudi 5 mars 2020

A la découverte de la Turquie

Mercredi 26 février.
Nous quittons Rhodes sur un vieux bateau. Avant cela, une journaliste, que la consule de France Madame Moshis Gauguet avait contactée, vient nous interviewer au port.
Après deux heures de mer, nous débarquons en Turquie. Nous prenons possession d’un petit appartement dans un hôtel de Marmaris.


Jeudi 27.
Nous faisons la une du journal de Rhodes (article ici). Peut-être l’occasion de parler d’autre chose que du coronavirus.
Pour l’heure, l’actualité, nationale ou internationale, ne semble pas affecter la vie des gens et nous prenons nos marques en Turquie. La journée est pluvieuse. Nous nous baladons dans la vieille ville puis dans sa partie plus récente et moderne. Les avenues paraissent immenses. Les vastes trottoirs et les pistes cyclables les rendent encore plus larges. Il y avait bien longtemps que nous n’avions pas vu cela, d’autant plus que Marmaris n’est qu’une ville de taille moyenne. Il nous faut aller faire quelques courses sur le marché pour imaginer que la Turquie va être un pays de fort contraste…


Vendredi 28.
Nous avions prévu de pédaler sur une petite route pour quitter Marmaris et d’entamer ainsi notre progression vers l’est. Cet itinéraire, qui traverse une zone militaire, est en fait interdit. Nous n’avons pas d’autre choix que d’emprunter une sorte d’autoroute, deux fois deux voies. Nous ne nous sentons pas en insécurité car une bande aussi large qu’une voie de circulation nous permet de rouler à l’écart des véhicules. Le trafic n’est pas très dense et la vitesse est limitée.
Cela ne nous empêche pas d’avoir la tête farcie et nous sommes soulagés de trouver une route secondaire. Nous plantons la tente en contre-haut d’un lac où nous devrons patienter jusqu’à la fin des fortes pluies qui s’annoncent.


Samedi 29.
Le soleil revient plus vite que prévu. A 11 heures nous sommes en selle avec une tente sèche : c’est inespéré.
L’étape est courte. Nous voulons profiter du site de Kaunos. Nous nous installons à Dalyan dans un camping fermé, sur les conseils d’un couple de cyclistes suisses rencontrés en route. De retour d’Iran, ils ont pu passer la frontière juste avant sa fermeture…
Nous finissons la journée à pied. Après un gueuleton de pâtisseries turques, nous filons admirer les tombeaux rupestres taillés dans le roc. Les Lyciens, qui croyaient que leurs morts étaient transportés dans l'au-delà par des créatures ailées, les plaçaient en hauteur, au-dessus des falaises abruptes surplombant la rivière.



Dimanche 1er mars.
Les Turcs sont de sortie. Ils sont nombreux le long de la route, à pique-niquer, à faire un feu pour griller de la viande. On voit aussi beaucoup de tortues sur les bas-côtés.
Nous plantons la tente au-dessus d’un col routier d’où l’on entend se fracasser sur les rochers les bouteilles jetées des voitures. Le ravin est une poubelle de verre et de plastiques.


Lundi 2.
Nous voilà de nouveau sur une de ces grandes routes qui maillent le pays. L’avantage c’est que nous avançons vite, l’enrobé étant parfaitement lisse. Nous ne nous faisons cependant pas prier pour en sortir. Nous traversons les villages sur des chaussées granuleuses et inconfortables mais nous profitons du calme et nous découvrons la vie à l’écart des grands axes. Autour des modestes maisons, il y a souvent des poules, des vaches, un potager et du bois, beaucoup de bois. Les femmes le brûlent, dans la cour. Il permet de garder le thé au chaud et de cuisiner. Nous retrouvons là un peu ce que nous voyions en Ukraine, les minarets des mosquées ayant remplacé les bulbes des églises et les Renault 12 les Lada. Le chant des muezzins invite à la prière. Des cours des écoles résonnent les cris des enfants.
Nous retrouvons la « modernité » à Fethiye, grande station balnéaire. Nous y avons loué un appartement pour la nuit.


Mardi 3.
Comme nous l’imaginions, la sobriété des conditions de vie à la campagne contraste avec l’hypermodernité des centres des zones urbaines. Ce contraste est naturel, mais nous semble sans doute bien plus fort que dans la plupart des pays.
Nous quittons Fethiye par une magnifique piste cyclable qui accompagne son interminable baie.
A l’heure du pique-nique nous sommes conviés à boire le thé dans un bar. C’est Turgay, le maire du village, qui nous invite. Nous tentons d’enrichir notre turc de quelques mots de vocabulaire. Des hommes jouent aux dominos. Certains quittent la partie pour venir s’assoir à nos côtés. Nous discutons, nous finissons notre casse-croûte. Turgay nous offre un second thé qui s’avérera fort diurétique, obligeant à quelques arrêts tout au long de l’après-midi.
Nous posons la tente dans une forêt de pins.



Mercredi 4.
En Turquie, on ne compte pas les drapeaux. Ils sont partout : aux balcons des maisons, sur les toits, sur les capots des voitures, le long des rues, dans les devantures des commerces, en haut des collines, etc. Aujourd’hui ils flottent au vent : la journée n’est pas de tout repos. De face, nous devons affronter une forte brise qui nous empêche de dépasser les 10 km/h sur le plat. Nous redescendons le long de la mer. La côte est belle, mais les villes qui ont été construites récemment et anarchiquement n’ont finalement pas grand charme.
Nous arrivons éreintés dans un appartement. Nous y passerons une journée de repos. La vue sur la mer est époustouflante.


Jeudi 5. Pluie et vent : nous avons bien choisi notre jour de pause.