lundi 22 juillet 2019

Ça secoue…

Mercredi 17.
Il faut faire des courses. Dans les épiceries, les gens n’achètent pas grand-chose : des œufs, de la farine en vrac, quelques pâtes. Nos sacoches ne sont pourtant pas bien grandes mais au moment de payer, nous sommes presque gênés d’étaler ce qui constituera nos vivres pour deux ou trois jours.
Si dans les campagnes l’économie semble tournée vers l’autoconsommation avec des gens qui vivent de ce qu’ils produisent, en ville cette économie de subsistance se traduit sous nos yeux par des rues dont les sols des trottoirs sont occupés par ce que chacun à vendre. Des gens se déshabillent pour essayer des vêtements, une fille attend assise devant un pot de confiture, un autre vend des pièces de moteur… Nous ne nous attendions pas à ça, en tout cas pas autant.
Cela n’empêche pas les gens d’être agréables, de nous parler, d’avoir une petite attention. Nous nous sentons bien.
En milieu d’après-midi, il est facile de trouver où planter la tente. Deux bergères et leur troupeau de vaches viennent nous faire un petit coucou.



Jeudi 18.
Nous n’avons plus guère d’eau. Aux premières maisons, une dame vient avec un seau pour nous ravitailler. Son mari nous fait la discussion. La voisine apparaît. Une course s’engage : chacune se met à courir dans tous les sens et nous repartons avec du lait, du fromage, des groseilles, un pot de cassis et des petits pois !
La route est parfaitement asphaltée et étonnamment il n’y a aucune circulation. Nous croisons seulement quelques skieurs à roulettes près d’un centre d’entrainement. A un point de contrôle, des militaires nous demandent nos papiers et consignent quelques informations dans un cahier défraîchi. Même si les conflits ont lieu de l’autre côté du pays, l’Ukraine est un pays en guerre. Passé ce checkpoint, la route redevient atroce et nous descendons du col à peine plus vite qu’à la montée.
Nous quittons cette route principale pour une plus petite. C’est évidemment pire. Il n’y a même plus un centimètre carré de bitume, mais c’est un vrai régal de monter un nouveau col en mode VTT !  
La descente est épique, ça saute dans tous les sens. Après un village, nous trouvons un terrain plat près d’une petite rivière. Une partie de la soirée est occupée à resserrer des vis et des boulons pendant que les enfants font un feu et jouent au bord de l’eau.

Vendredi 19.
Nous roulons jusqu’à Volovec, où nous trouvons une Садиба (sadyba, sorte de maison d’hôtes). Dans cette petite ville de moyenne montagne, la grisaille soviétique s’affiche avec quelques immeubles d’époque dont on se demande encore comment tiennent les balcons. Nous apercevons également quelques touristes descendant de leur bus, des panneaux indiquant des stations de ski, des randonneurs à pied et quelques berlines allemandes qui côtoient les Lada le long des trottoirs. Volovec est pour le moins une ville de contrastes…

Samedi 20.
Lison s’est faite coiffer par la patronne. Après un bon petit déjeuner nous reprenons la route.
Ces derniers temps, nous faisons environ 35 km chaque jour (départ 10h, fin de l’étape vers 16h). Aujourd’hui ce sera moins (22 km) : cela nous laisse le temps de profiter d’une sadyba où nous sommes accueillis royalement. Louba et Piotr sont aux petits soins.
En Ukraine nous pouvons nous permettre de nous offrir une nuit en dur avec le repas du soir et le petit déjeuner. Nous en profitons et Louba nous gâte, c’est délicieux… N’en abusons pas trop cependant, les enfants nous demandent déjà le prochain camping sauvage.


Dimanche 21.
En ce jour de messe, dans un pays où beaucoup de gens se signent dès qu’ils passent devant la moindre croix (et il y en a !), il y a affluence autour des églises. C’est aussi jour d’élections législatives. Le parti du président comédien fraîchement élu est donné grand favori. Il y a de l’animation dans les villages et les femmes ont mis leurs plus belles robes.
Côté vélo, l’ascension d’un col nous fait pénétrer dans le parc national de Synevir. En haut les enfants ont bien mérité un petit porte clé Lada, à ranger avec tous leurs trésors.

Lundi 22.
On a beau être dans un parc national, les bords de routes, les rivières sont jonchés de bouteilles et de détritus en tout genre. Nous avons souvent du mal à trouver des poubelles et rares sont celles qui semblent avoir été vidées un jour.
Les villages s’étirent le long des routes, parfois sur plus de dix kilomètres. Il y a toujours quelque chose à voir et les kilomètres défilent sans qu’on s’en rende trop compte. Alors que les habitations se font plus rares, la route devient piste et il nous faut encore plus d'une heure pour atteindre le sommet du col synonyme de pique-nique bien mérité. Nous l'agrémentons de myrtilles, il y en a plein les montagnes. 
Nous nous laissons ensuite descendre dans la vallée où un petit chalet nous attend pour une journée de pause. Opération lessive et shampoing anti-poux (Petit souvenir de Davayé !).

mardi 16 juillet 2019

C'est parti.

Vendredi 12 juillet. Le départ.
Les conditions sont idéales pour commencer : une vingtaine de degrés, un très léger vent et un ciel dégagé.
La veille, Irena, qui nous a gentiment accueilli, nous a préparé un délicieux plat polonais. Ce matin, un copieux petit déjeuner nous attend. Si les jambes n’ont pas beaucoup tourné ces derniers temps, les ventres sont prêts.
Les premiers kilomètres s’avalent facilement sur de petites routes sans difficulté et sans circulation.
Nous traversons Przemysl, sensiblement de même taille que Mâcon, sans encombre. Nous dépensons nos premiers zlotys pour le pique-nique du midi.


Le relief s’accentue ensuite peu à peu. Dans cette région des Basses Carpates, nous pénétrons progressivement le massif montagneux.
Nous avons choisi Kalwaria pour nous arrêter. Cela fera 45 km, bien suffisants pour une première étape, d’autant plus que les deux derniers kilomètres sont annoncés avec une pente à 19 %. Pas faux…
Arrivés là-haut, nous découvrons un mini Lourdes avec un sanctuaire où une image baroque de la Vierge, peinte sur le lin, devint célèbre pour les miracles accomplis en sa présence.
Nous trouvons un grand espace susceptible d’accueillir notre tente. Nous demandons la permission. On nous propose une chambre pour quelques zlotys. Nous ne nous faisons pas prier et passons notre première nuit dans une maison de pèlerins où les chants résonnent dans les couloirs, ce qui fait beaucoup rire les enfants.
A posteriori, nous comprenons mieux l’enthousiasme des gens qui nous demandaient en route où nous allions.




Samedi 13.
Les enfants roulent bien. Nous enchaînons de petits cols mais le temps n’est pas de la partie. Nous nous arrêtons fréquemment pour nous mettre à l’abri. Nous choisissons d’écourter l’étape. Alors que nous nous ravitaillons en eau dans un hameau, trois types en voiture nous invitent à les suivre pour venir planter la tente chez eux.
Nous finissons finalement dans un garage, au sec !
Tadeus vit avec Adrian, son fils et le reste de la famille. Le troisième larron est russe et sans doute un employé des précédents. Il reste un moment avec nous dans le garage où il se siffle une bouteille de vodka… Tadeus nous dit que c’est un bon gars. Il lui demande de partir, nous ne le reverrons plus. Les enfants s’amusent à imiter Daniel, quittant le garage, titubant et manquant de tomber.
Tadeus et Adrian sont bûcherons, ils travaillent avec leurs chevaux pour débarder le bois, là où les engins ne passent pas. Six mois de l’année, ils partent gagner leur vie en Belgique (avec leurs chevaux), le reste du temps ils sont en Pologne. Ils parlent quelques mots de français, d’anglais et d’allemand. Nous nous comprenons.


Dimanche 14.
Il a plu toute la nuit, nous ne quittons pas notre garage avant 11h. Nous remercions chaleureusement Tadeus et gagnons tranquillement la frontière sous un ciel de moins en moins sombre.
Nous attendons une heure pour voir nos passeports tamponnés.
L’Ukraine s’offre à nous. Le dépaysement est immédiat. Il faut tout d’abord trouver à changer de l’argent… Rien à l’horizon, à part quelques baraquements où se vendent des vêtements contrefaits. Nous demandons de l’aide à un Polonais qui nous avait auparavant donné gâteaux et fruits lorsque nous patientions au poste frontière.
Il m’embarque dans sa voiture. Nous nous arrêtons près d’une camionnette blanche d’où un type descend les mains pleines de billets. « Mafia, but no problem » me souffle le Polonais. Le taux de change est bon, nous voilà avec nos premiers hryvnias en poche.


Nous sommes dans la vraie campagne : des champs, des fleurs, des forêts, de belles collines, de petites maisons souvent en bois, de grands potagers, des poules dans les fossés, des chiens errants. Dans les villages, les gens sont dehors. Ils sont souriants, font un geste. Un gamin vient vers nous sur son vélo rafistolé, il serre la main d’Anatole, puis repart.
Les églises et les chapelles ont des bulbes tous plus reluisants les uns que les autres.
Les routes sont défoncées mais larges, il y a peu de voitures, les gens se déplacent dans des petits bus souvent bondés.
C’est très exotique. Sous nos yeux, des scènes d’antan : les grands-mères, un fichu sur la tête, font paître leur vache tenue en laisse, les foins se font à la main, des chevaux tirent les charrettes…
Des gosses faisant hurler leur enceinte bluetooth sous l’abri de bus nous rappellent que nous sommes bien en 2019.
A l’heure de planter la tente, Andrej et Julia nous proposent leur jardin. La maison accueille quatre générations. On nous offre le thé, des pâtisseries. C’est très touchant. Malgré leurs conditions de vie modestes, ils sont généreux, très gentils et restent discrets, sans doute impressionnés par nos beaux vélos et ce qu’ils représentent.


Lundi 15, mardi 16.
Julia nous offre des tablettes de chocolat et des biscuits. Après avoir tiré l’eau du puits pour remplir nos gourdes, nous reprenons la route, les yeux grands ouverts et le cœur léger, à la découverte de l’Ukraine.
A Jasenycja Zamkova, nous nous arrêtons dans un gîte pour deux nuits et une journée de repos.