jeudi 5 décembre 2019

Athènes, la Crète, les olives.

Ecrire le blog, en plus d'une connexion internet, ça demande du temps et un peu de courage. Tout ce que nous n’avons pas eu ces derniers temps. Comme on ne va pas faire à chaque fois le coup du gamin qui écrit le blog, on s’y colle… avant de se faire engueuler. Beaucoup de photos cette fois-ci (pour les inquiets et ceux qui s'ennuient au travail).

Vendredi 22 novembre. De Corinthe, nous prenons la route, direction Athènes. Pour éviter de faire le tour du golfe d’Elefsina, avec ses chantiers navals, sa raffinerie, et les eaux les plus sales de Grèce, nous coupons par l’île de Salamina, à 5 minutes de ferry de la côte. Nous y passons la nuit, sur l’aire de jeu d’un petit village de bord de mer où il faut faire attention aux boulettes de pétrole en marchant le long de la plage.

Samedi 23. Après une quinzaine de kilomètres très agréables sur Salamina, il nous faut un petit quart d’heure de bateau pour débarquer à Perama.
Perama, c’est la grande banlieue d’Athènes. Nous savons que nous allons devoir rouler au milieu des voitures pendant 20 km. L’exercice ne s’avère finalement pas si périlleux que cela et, à 15h, nous prenons possession d’un magnifique appartement de presque 100 m², à 3 ou 4 km du centre-ville et des principales attractions touristiques : le luxe !


Dimanche 24, lundi 25, mardi 26. Nous arpentons Athènes à vélo et à pied. A vélo, nous sommes des curiosités, il n’y a quasiment aucun cycliste dans les rues. A pied, il faut de bonnes chaussures et de la vigilance. Les trottoirs étroits, souvent en dévers, sont pleins de trous. Les balcons, qui rejettent l’eau des climatiseurs, mouillent les sols et souvent les passants.
Nous commençons notre découverte de la ville par Exarchia. C’est le quartier des anarchistes et de l'ultra-gauche. C’est le quartier agité et contestataire d’Athènes. La contestation, ancrée dans son histoire, se lit sur les murs, couverts de dessins, de slogans. Plus largement, c’est toute la ville qui est devenue un musée à ciel ouvert. On peut passer des heures à chercher, à s’émerveiller, à réfléchir sur ces centaines de graffitis d’artistes connus ou anonymes.
Même si elle n’y met pas les pieds, la police encercle Exarchia 24h/24. Cela a quelque chose d’impressionnant et d’un peu terrifiant de voir ces cars de CRS grecs, ces soldats en armes, boucliers aux poings.




Le quartier s’organise également de façon autonome en créant des lieux de solidarité. Des bars autogérés génèrent des revenus qui permettent d’organiser des dispensaires, des activités culturelles, des cours de grec à destination des immigrés. Nous mangeons notre pique-nique du midi dans le petit parc autogéré de Navarinou où cohabitent, entre autres, une maman bobo avec ses deux enfants, des chiens, des chats, une bourgeoise, des drogués et des clochards.
Nous traversons à plusieurs reprises un quartier investi par des populations du sous-continent indien. Désert le matin, il grouille de monde l’après-midi. On n’y croise que des hommes. Ça sent bon les épices.
Les halles municipales sont un grand moment avec les poissonniers et leur gouaille, et les tripiers, les bouchers découpant la viande sur leurs billots, au milieu des travées. On est loin des normes d’hygiène imposées chez nous… Le lieu est à conseiller à toute personne qui souhaite devenir végétarienne.


Au cours de nos pérégrinations, au hasard des rues et des quartiers que nous empruntons, nous croisons tout un tas de personnes aux regards hagards, parfois droguées, ou simplement hébétées par une vie difficile. Nous évitons soigneusement les seringues, parfois les excréments humains qui jonchent le sol, nous contournons les poubelles qui débordent.
Habituellement si prompt à vagabonder, Anatole a la nausée et se colle à nous, il nous serre fort la main à chaque vision dérangeante.
De nombreux immeubles, parmi les plus anciens, les plus beaux et les plus remarquables, sont gagnés par la végétation et manquent de s’écrouler.
Sortis des lieux incontournables et plus glamours, Athènes est une écorchée vive, une grande meurtrie dans ce qu’elle offre à voir de violent et misérable. La crise qui semble s’éloigner pour les banques et les grands financiers, laisse encore bien des traces dans la vie quotidienne des Athéniens.
Nous y voyons des retraités, bien propres sur eux, qui font les poubelles ou qui tentent de vendre, à la sauvette, tout ce qui viendra améliorer leur maigre pension. Nous y voyons des gens qui vivent et dorment dans leur voiture. Il y a les réfugiés aussi, survivant dans des cabanes de fortune.


Mais Athènes c’est aussi et évidemment l’impressionnante Acropole, le stade des premiers jeux olympiques de l’aire moderne, la relève -très folklorique- de la garde nationale devant le parlement, des musées, quelques quartiers plus chics et des collines d’où les points de vue sur la grande ville blanche sont grandioses.
Pas sûr que ce soit ce qui nous a le plus marqués…


Pleine de contraste, fascinante et déstabilisante, Athènes nous a mis une grande claque.
Plus habitués à la campagne, aux grands espaces, aux petits villages et à la tranquillité, les enfants, malgré leur curiosité et l’envie de découvrir, sont quelque peu sortis de leur zone de confort.
Athènes leur a montré la diversité des vies des gens qui peuplent ce monde que nous aimons parcourir. Athènes leur a sans doute donné une occasion supplémentaire de bien mesurer la chance que nous avons de pouvoir prendre en main notre vie comme nous le souhaitons.

Mercredi 27. Nous quittons notre appartement à midi. Nous avons jusqu’à la nuit pour continuer de déambuler dans Athènes et nous rendre au port du Pirée. Nous embarquons à 18h, et nous prenons possession de notre cabine. Nous quittons le continent à 21h.

Jeudi 28. Nous nous réveillons dans le port d’Héraklion, quelques minutes avant l’amarrage de notre ferry.
Il est 6h, il fait nuit. Nous pédalons jusqu’à l’ancien port de pêche et sa forteresse vénitienne. Nous prenons le petit déjeuner dans Héraklion qui s’éveille. La ville nous paraît bien propre et paisible...
A midi, nous pique-niquons sur la plage. Lison trouve une planche de bodyboard et s’amuse comme une folle dans les petites vagues d’une mer encore très accueillante. Nous finissons notre longue journée derrière une petite église.



Vendredi 29. Nous visitons l’ancienne cité antique et le site archéologique de Lato, perché en haut d’une montagne. L’avantage de visiter en cette saison, c’est de payer seulement 2 € l’entrée mais surtout d’être seuls sur le site… Quel privilège.
Nous traversons ensuite les villages de Krista et Kroustas, animés comme toute l’île par la cueillette des olives. La Crète, c’est 40 millions d’oliviers pour un peu plus de 600 000 habitants (comme Athènes), aussi le travail ne manque pas et la main d’œuvre étrangère, principalement venue du Pakistan ou du Bengladesh, est à l’ouvrage.
Comme nous n’osons pas planter la tente dans les champs d’oliviers, nous cherchons une église. Les abords sont souvent plats et, dans un pays où la séparation entre l’état et l’église ne fait que s’amorcer (les popes, s’ils ne sont plus fonctionnaires, sont encore payés par une dotation donnée chaque année au clergé), le choix est pléthorique. Cette fois-ci, nous trouvons notre bonheur au bout d’un chemin de terre où seul le bruit des cloches de quelques brebis vient perturber notre quiétude.




Samedi 30. En redescendant des montagnes, nous observons le ballet des vautours au-dessus de nous. La tête en l’air (mais pas trop), nous nous laissons glisser jusqu’à la mer et Ierapetra, ville où nous ferons étape chez Stavros, membre de Warmshower. Avant cela, nous croisons les Baudry, une famille française voyageant à vélo. Ils sont partis depuis mai d’Auvergne avec leurs deux filles âgées de 5 et 7 ans. Nous les trouvons très courageux car l’une de leur fille a des soucis de santé. Le voyage a sans doute quelque chose de thérapeutique car son état ne fait que s’améliorer. Nous aurions aimé faire un bout de chemin ensemble, mais malheureusement nous avons choisi de faire une pause hivernale à deux endroits de Crète diamétralement opposés. Nos chemins doivent se séparer. Nous leur souhaitons bonne continuation. Peut-être nous reverrons-nous… Leur site est très chouette, on peut les suivre ici : https://lesbaudryavelo.wordpress.com/.
Stavros nous attend. Il nous a préparé un délicieux repas. Il nous conte ses nombreuses rencontres et nous fait feuilleter le livre d’or des cyclistes du monde entier qu’il a accueillis, le tout en photo. Un Allemand, des Australiens, un Grec, deux Thailandais, un Suisse… Retour à la page précédente, il nous semble avoir aperçu un paysage connu… C’est la roche de Solutré… C’est notre village… On voit notre maison… C’est nous qui avons pris la photo ! Elle date de janvier 2014 : nous avions reçu deux jeunes Thaïlandais qui venaient de finir leurs études à Londres et avaient décidé de rentrer à Bangkok à vélo. Quel hasard incroyable de retrouver notre photo dans l’album d’une personne vivant à plus de 3000 km de chez nous !
La suite se fait en musique : Stavros nous fait découvrir des morceaux traditionnels crétois mais aussi des morceaux plus récents. Il nous montre deux ou trois pas de danse après quoi nous allons nous coucher dans le petit dortoir réservé à ses hôtes.


Dimanche 1er décembre. Stavros prend la route avec nous et nous guide jusqu’à une fabrique d’huile d’olive. Nous y découvrons tout le processus de fabrication, depuis l’ouverture des sacs d’olives sortis des pick-up jusqu’à l’obtention de l’huile.
Nous remercions Stavros et reprenons notre chemin. Quand le relief le permet, nous longeons le bord de mer par de petites routes. La région, très agricole est pleine de cultures (des bananes entre autres), de serres… et de plastiques arrachés par le vent.
Justement surpris par un vent fort et soudain, nous cherchons précipitamment un endroit où bivouaquer. Pas d’église en vue, nous faisons halte dans un champ d’oliviers où les arbres nous offriront un maigre abri. Alors que nous montons -avec difficulté- la tente, un type surgit, un bout de tuyau à la main. Sa mine est peu expressive, nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés. Par des mots que nous ne comprenons pas et quelques gestes, il nous indique qu’il est préférable de planter la tente plus à gauche en raison de l’orientation du vent. Il repart toujours aussi peu démonstratif. Nous prenons ça comme une accréditation.
Une fois le camp installé, nous avons le plaisir d’agrémenter nos pâtes d’une grosse lichette d’huile d’olive toute fraîche, pressée le matin même. Le vent tombe, la nuit est calme.


Lundi 2. Nous remontons dans les montagnes. Les paysages, les villages sont magnifiques. Au sommet d’une route, le froid arrive d’un coup. Pour la descente, nous enfilons nos vestes imperméables et nos bonnets.
Nous reprenons les bonnes habitudes et finissons par planter la tente à côté d’une petite chapelle.

Mardi 3. Le matin, à vélo, on ne passe pas des heures devant sa garde-robe à se demander ce qu’on va mettre. On remet généralement la même chose que la veille. Mais ce matin-là, au réveil, la tente est gelée. Alors nous sortons du fond des sacoches les doudounes, les collants, les manches longues. On se trouve très beaux dans nos nouveaux habits, un peu comme si nous avions enfilé une tenue de soirée.
Le soleil réchauffe cependant vite l’atmosphère. Il ne faut pas longtemps pour crever de chaud et nous retrouver à nouveau vêtus de nos tee-shirts sales que nous recouvrirons périodiquement d’une petite polaire, en fonction de notre vitesse de progression et des passages à l’ombre. Malgré un franc soleil, cette journée semble marquer la fin de notre été…


Mercredi 4. Après huit jours de vélo une pause s’impose. Avant de remonter une fois de plus dans les montagnes nous devons faire un gros ravitaillement car nous ne savons pas ce que nous trouverons là-haut. Sur le parking de Lidl, des poubelles, comme de toutes les poubelles de Grèce, sortent des chats gras comme des loukoums, pauvres bêtes exclues du régime crétois. On croise aussi d’anciens babacools, souvent allemands, jeans crasseux, sandales usées, parfois pieds nus, rasta et barbe longue. La région et le village de Matala ont accueilli la plus grande communauté hippie d’Europe dans les années 60. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de voir des dinosaures.
Après une longue ascension, nous arrivons dans le petit village de Magarikari. Virginia nous attend. Elle a regardé notre blog et toutes nos vidéos. Impressionnée par notre aventure, elle a à cœur de nous accueillir comme si nous étions de la famille. Virginia a préparé des gâteaux, elle a rempli le frigo. Elle offre un mickey magazine français aux enfants et un jeu de Uno. Elle nous donne la clé du musée du village pour que nous puissions aller le visiter. Efkaristo !
L’accueil incroyable, la maison confortable, les extérieurs tellement agréables, la vue panoramique sur la mer et les montagnes nous incitent à demander à Virginia de pouvoir rester une nuit de plus. Nous repartirons samedi matin…


Jeudi 5. Nous avons du temps et il nous faut juste un peu de courage pour nous lancer dans l’écriture du blog… C’est fait !

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