Comme c’est le cas à
chaque fois que nous disposons d’une cuisine, nous préparons quelques repas
d’avance, ce qui nous permet de gagner un peu de temps lorsque le camp est
installé.
Nous nous baladons dans
Magarikari, un village qui ne voit pas beaucoup de touristes. Les portes des
maisons, donnant souvent directement sur la rue, sont ouvertes. Les intérieurs
sont modestement meublés avec parfois une seule pièce, faisant office de salon,
de chambre et de cuisine. La vie se passe principalement dehors. Les anciens se
retrouvent au café, quelques femmes bavardent devant le mini-market, les
marchands ambulants, qui s’annoncent au mégaphone, proposent ce qui manque, les
pick-up, chargés de sacs d’olives, vont et viennent, et nous, nous sommes les heureux
spectateurs de cette vie de village.
Samedi 7. C’est le départ pour les montagnes. Comme prévu, le soleil est radieux. 1200 m d+ sont au programme. A Gergeri, et après quelques bosses, nous sommes au pied de la route qui constitue le plat de résistance de l’étape. On compte 17 virages en épingles. Des panoramas à couper le souffle et sans doute quelques suées nous attendent. Pendant que nous avalons notre casse-croûte, les nuages envahissent la montagne. Ce n’est pas vraiment ce qui était au programme. Monter là-haut ou contourner le massif ? Il faut prendre une décision, avec le risque que le mauvais temps vienne gâcher la fête. Anatole n’est pas très chaud, Lison est à fond car elle « aime l’aventure ».
Cela fait 3 contre
1, alors c’est parti, on monte. Après trois ou quatre virages, nous voilà dans
les nuages. Nous sortons les chambres à air de traction pour rouler ensemble et
ne pas se perdre de vue. Sans visibilité, on a psychologiquement l’impression
que ça ne monte pas. L’ascension se fait finalement en bien moins de temps que
nous l’avions pensé. Nous nous arrêtons là où la route devient piste. La
nébulosité se fait moins dense, on aperçoit parfois quelques coins de ciel
bleu. Nous sommes à 1 300 m d’altitude sur un site à l’abandon qui
accueille un théâtre de plein air. Nous nous installons sur scène, au pied de
l’amphithéâtre. Dans un paysage aussi minéral, nous n’avons pas de mal à
trouver quelques belles pierres qui arriment solidement la tente. Même si les
températures sont loin d’être glaciales, le feu des enfants nous réchauffe et
nous sèche. Le ciel se dégage, les étoiles apparaissent, la lune nous éclaire.
Pas un bruit, juste le crépitement du feu. Nous ne sommes que quatre à assister
au spectacle…
Dimanche 8. Nous traversons le massif montagneux entouré des plus hauts sommets de l’île, dont le mont Psiloritis, 2 456 m. La piste est magnifique. En balcon, elle monte progressivement jusqu’à 1600 m d’altitude. La météo est changeante : soleil, brouillard, crachin et vent alternent ou cohabitent. Pas de quoi entamer notre moral. C’est si bon de sentir les éléments, c’est si bon de se sentir vivants sur ces pistes, sur ces routes uniques, dans un tel décor.
Après avoir aperçu la
mer de Lybie, côté sud de l’île le matin, la descente nous offre désormais des vues sur
la mer de Crète, côté nord de l’île.
Nous retrouvons la
civilisation à Anogia et nous finissons la journée à Zoniana, deux villages où
nous sommes étonnés de voir des gamins d’une douzaine d’années au volant d’énormes
pick-up et tout un tas de types à la tête plutôt patibulaire…
Nous nous installons
dans un cul de sac, sur le parking des grottes Zoniana, fermées en cette
saison. Deux gamins de huit ou dix ans viennent nous contrarier : ils
tournent autour de la tente, tapent dans les sardines, font mine de vouloir
chaparder on ne sait quoi, tentent d’embêter les enfants que nous sommes
obligés de rapatrier dans la tente, jettent des cailloux sur les vélos et nous
parlent sur un ton provocateur. Ces petits cons n’ont pas froid aux yeux. En
grec, en anglais, nous leur demandons d’arrêter. Après plusieurs requêtes et
beaucoup de patience, les nerfs lâchent. Je me mets à leur hurler dessus, à
leur courir après en les menaçant d’un bâton destiné à calmer les chiens
agressifs qui viendraient nous taquiner d’un peu trop près. Les gamins
déguerpissent. Ils pleurent. Celui qui est le plus proche de moi se pisse
dessus. Je préfère les chiens.
Evidemment le père de
l’un des gosses rapplique quelques instants plus tard. Heureusement, nos
explications lui suffisent et il repart.
Nous ne sommes cependant
pas très sereins. L’obscurité nous empêche désormais de partir.
La soirée et la nuit qui
suivent sont un cauchemar. Sommes-nous dans un village de fous, sont-ce des
représailles ou bien des trafiquants ? Les téléphones sont prêts à appeler
la police. Des dizaines de voitures viennent faire demi-tour devant notre
tente, certaines passent tous phares allumés à quelques centimètres de nous.
D’autres s’arrêtent. Les portières claquent, les coffres s’ouvrent, des types
discutent.
Il faut attendre deux
heures du matin pour que ce cirque cesse.
Lundi 9. Le soleil
pointe son nez. Nous sommes épuisés mais nous n’avons jamais été aussi contents
de nous lever. Aujourd’hui est un autre jour et nous filons jusqu’à Alfa, petit
village sur les hauteurs de Réthymnon où nous avons loué une petite maison
après notre escapade en montagne. En chemin, nous rencontrons une adorable dame
qui nous donne un grand tupperware de foies de volailles cuisinés dont les
enfants se régalent.
A Alfa, Antonia et Manoli nous accueillent à bras ouverts. Mais avant même de déballer nos sacoches, nous fonçons rentrer le code wifi sur l’ordinateur : outre les déconvenues et anecdotes racontées par certains touristes, on trouve sur internet un reportage de la BBC où l’on apprend qu’à Zoniana (et dans ses environs), des paysans ont détourné il y a quelques années l’argent de l’Europe pour planter du cannabis. Leurs modèles sont les cartels colombiens et la mafia italienne. Ils font régner leur loi et la police ne met quasiment plus les pieds sur ce petit territoire de trafiquants et de malfrats, où drogue et armes se vendent aux nez et à la barbe des autorités…
De mardi 10 à samedi
14. La météo n’est pas terrible et nous décidons de rester à Alfa. Antonia et
Manoli sont aux petits soins, ils nous gâtent : huile d’olive, vin, raki,
liqueurs, gâteaux, fruits et légumes du jardin, tout est fait maison, nous sommes presque en demi-pension.
Entre deux averses et
parfois un bon déluge (bienvenus car il n’a pas plu depuis l’hiver dernier), nous
sortons les vélos pour visiter les alentours.
Ernesto est un petit chien
noir qui traîne dans le village. Il nous accompagnera à chaque sortie. Les
enfants l’appelleront Filou. Il fera plus de 60 km à nos côtés, il se fera
chasser du monastère d’Arkadi entraînant les pleurs d’Anatole, il manquera de se
faire écraser, il courra après des dizaines de chats, des centaines de chèvres
ou de brebis, il amusera les enfants, il partagera notre pain. Tout cycliste a une
histoire de chien à raconter. Il y en a parfois de sympas.
Quand nous sommes à la
maison, nous descendons au rez-de-chaussée, où Evangelina, 92 ans, tient sa
petite épicerie ouverte en 1960 et toujours dans son jus. Sur les quelques rayonnages on ne trouve pas grand-chose, sinon la raison de vivre de cette grand-mère.
Nous discutons avec Manoli. Autour d'un verre de raki, et grâce à google translate, il a toujours quelque chose à raconter.
Nous discutons avec Manoli. Autour d'un verre de raki, et grâce à google translate, il a toujours quelque chose à raconter.
Nous ne remercierons
jamais assez cette famille pour leur chaleureux accueil et ces quelques jours
passés chez eux.
De dimanche 15 à mercredi 18. Nous reprenons la route pour Kissamos, petite ville située au nord-ouest de l’île où nous avons loué pour les fêtes un grand appartement.
Nous traversons Réthymnon
et La Canée, les plus grandes villes de l’île après Héraklion où l’on trouve enfin
une boîte pour y poster la lettre au Père Noël. Nous reconnaissons les
touristes à leurs tee-shirts et les Crétois à leurs manteaux.
Nous faisons trois
campings sauvages qui nous font oublier notre récente déconvenue. L’un près d’une
petite église échafaudée avec vue sur les cimes enneigées, l’autre en bord de
mer et le dernier chez Leonidas que nous rencontrons le long de la route. Son terrain est plutôt boueux, humide et pas particulièrement plat, mais nous
passons une super soirée, autour d’un feu, installés sur des chaises en plastique,
au milieu de bidons, de palettes et de tout un tas de bazar. Leonidas nous
apporte un gros sac d’oranges. Quand nous lui demandons ce qu’il fait, il nous
dit être prof d’économie. Cela ne nous convainc pas complètement.
DSK aussi était prof d’économie…
DSK aussi était prof d’économie…
Jeudi 19. Nous voilà à Kissamos, installés dans un bel appartement pour deux semaines. Patrick et Mamine doivent nous rejoindre dans la nuit. Au programme : randonnées, balades, baignade, cuisine, repas et repos.
Bonnes fêtes de fin d'année à tous ! Joyeux Noël ! |